Pierre-Brice Lebrun, prof de droit

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Actualité, histoire & philosophie du droit

Fil des billets

Formation : Qualiopi, un label obscur ?

, 09:27

Étrillée par la Cour des comptes en juin, la certification, attribuée sur dossier aux organismes de formation qui en font la demande, présente peu de garanties quant à la qualité du contenu ou à la pertinence au regard de l’insertion professionnelle (Libé, 19 février 2024).
Sans commentaires.

22, v'là les poulets !

, 09:00

Dans la seconde partie de ma double vie, j'ai travaillé sur l'origine des expressions "22" et "poulets" utilisées quand on évoque la police ...

L’abus sexuel sur mineur est un abus de langage

, 05:47

Une excellente tribune de Maître Jérôme Roussel, avocat au Barreau de Paris, dans le Libé du 4 décembre 2018, sur le terme d'abus sexuel (vous en profiterez pour oublier aussi celui d'attouchements, qui n'existe pas en droit et qui est utilisé pour minorer les faits, et celui de détournement de mineur, disparu en 1996, qui n'avait aucun caractère sexuel ...), je l'ai ratée à l'époque, elle réapparaît aujourd'hui par la magie des réseaux sociaux ...


Je verrai toujours vos visages ...

, 07:26

Un excellent film, pour tout comprendre de la justice restaurative ...


Soyons des délinquants solidaires !

, 06:04

Le collectif Délinquants Solidaires publie son guide (gratuit) sur le délit de solidarité, avec 16 fiches qui répondent à toutes les questions et permettent à chacun d'être un délinquant solidaire bien informé : à télécharger et à diffuser sans modération !

Un mineur de 10 ans mis en examen

, 07:27

Un mineur de 10 ans est mis en examen à Aubervilliers (93) pour avoir allumé - de manière involontaire - un incendie qui a provoqué la mort de quatre personnes, une mère et ses trois enfants. J'entends dire aux infos que ce mineur est trop jeune pour être jugé : c'est faux. Un mineur peut être jugé dès sa naissance, à condition - évidemment - de commettre une infraction, et de la commettre avec discernement (code pénal, art. 122-8), ce qui est en l'espèce probablement le cas, même si l'infraction est involontaire (c'est - si j'ai bien compris - un jeu, une expérience qui a dépassé son auteur). Le discernement a été introduit dans la loi pénale en 1793, dans le Code des délits et des peines, ancêtre de notre code pénal, qui n'a jamais été adopté (le nom du code est directement inspiré des travaux de Cesare Beccaria), il était alors défini comme la faculté de différencier le bien du mal, l'autorisé de l'interdit. Il est aujourd'hui la base de la responsabilité pénale. Ce mineur de 10 ans peut donc être poursuivi (sinon, il n'aurait pas pu être mis en examen), mais il ne risque pas de peine de prison ou d'amende : ces sanctions pénales ne sont accessibles qu'aux mineurs de 13 ans au moment des faits. Il sera vraisemblablement jugé en audience de cabinet (dans le bureau du juge des enfants), mais il peut l'être aussi devant le tribunal pour enfants, et il sera remis à ses parents avec un casier judiciaire qui ne s'efface plus - merci, Dominique Perben - à la majorité (depuis 2004). Ses parents - ou leur assurance - vont devoir - s'il habitait avec eux - réparer pécuniairement les dommages causés, au titre de leur responsabilité civile (code civil, art. 1242).

La confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ...

, 15:38

La loi 2016-444 du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées pénalise le client : « le fait de solliciter, d'accepter ou d'obtenir des relations de nature sexuelle d'une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, en échange d'une rémunération, d'une promesse de rémunération, de la fourniture d'un avantage en nature ou de la promesse d'un tel avantage est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe » (code pénal, art. 611-1). Les personnes physiques coupables de la contravention prévue au présent article encourent également une ou plusieurs des peines complémentaires mentionnées à l'article 131-16 (comme « la confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction » ou « la confiscation de l'animal ayant été utilisé pour commettre l'infraction », mais aussi « l'obligation d'accomplir, le cas échéant à ses frais, un stage de sensibilisation à la lutte contre l'achat d'actes sexuels ») et au second alinéa de l'article 131-17 (un travail d'intérêt général pour une durée de vingt à cent vingt heures).

Sous l'empire ou sous l'emprise ?

, 08:46

Sous l'empire ou sous l'emprise, par exemple de l'alcool ? bonne question.

L'article 122-2 du code pénal (dans le chapitre sur les circonstances atténuantes) précise que n'est pas pénalement responsable la personne qui a agi sous l'empire d'une force ou d'une contrainte à laquelle elle n'a pu résister, et l'article R234-1 du code de la route lui emboîte le pas : même en l'absence de tout signe d'ivresse manifeste, est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe le fait de conduire un véhicule sous l'empire d'un état alcoolique ...

Empire et emprise sont des paronymes, mais qu'est-ce donc qu'un paronyme ? Un paronyme est un mot qui s’écrit ou se prononce presque comme un autre mot, avec une très forte ressemblance phonétique, comme pomme et paume, comme conservations et conversations, sans évidemment avoir la même signification ...

L'empire, c'est l'ascendant, l'influence morale de quelqu'un ou de quelque chose sur une personne, sur une de ses facultés : il est donc correct de dire sous l'empire de la colère, de la passion, ou, comme André Gide, sous l'empire du haschisch, je ne peux pas me retenir de voler. L'emprise est l'ascendant intellectuel ou moral exercé par quelqu'un ou quelque chose sur un individu : on a de l'emprise sur quelqu'un.

Les deux expressions sont donc a priori équivalentes, mais seulement dans les situations lexicographiques où ils signifient « influence intellectuelle ou morale, ascendant ».